Démarche

Formée aux arts de la scène et issue du milieu du cirque, j’ai naturellement orienté ma pratique céramique vers l’exploration du geste, du rythme et de l’expression. Mon approche vise à donner à chaque pièce une présence particulière, comme l’écho d’un instant de vie ou le fragment d’une histoire.

Je recherche avant tout la sensation d’un caractère incarné par la forme : lignes, volumes, textures et matières sont travaillés pour susciter une émotion, une évocation. Chaque création est pensée comme un élément narratif ouvert, invitant l’imaginaire du spectateur à s’y projeter.

Le travail de l’émail tient une place essentielle dans ma démarche. Je mène une recherche continue à partir de matériaux locaux : cendres issues d’essences de bois que je récolte et brûle dans mon poêle, argiles et roches fournies par une entreprise d’extraction. Ces expérimentations confèrent à mes pièces leur identité finale, organique et singulière.
L’émail n’est pas pour moi une simple finition décorative : il prolonge l’exploration jusque dans la texture et la teinte. Plusieurs cuissons sont parfois nécessaires pour aboutir à un émaillage juste, équilibré, abouti.

Pour créer une pièce, je procède presque toujours de la même manière, selon un processus cyclique, mêlant temps d’incubation, réflexion, tests et réalisation. Les étapes ne suivent pas un ordre linéaire ; elles s’entrelacent, se répondent, se répètent parfois.

Je pars rarement d’une idée précise ou d’un croquis détaillé. Si je dessine, c’est souvent pour écarter des pistes ou débroussailler une idée encore floue. Le plus souvent, c’est l’intuition d’une sensation qui constitue la graine de l’objet à venir.
J’ai besoin de cette phase de "contours flous" pour que la forme émerge lentement, par la matière. Je fabrique alors des pièces cousines de celle que je cherche à faire naître, comme dans le travail autour de la tablette Calcaire, qui m’a permis d’expérimenter textures et émaux.

La forme, elle, naît d’une approche instinctive. J’essaie de la laisser surgir d’elle-même, dans un exercice de lâcher-prise qui reflète autant ma manière d’aborder la matière que le monde.

Je suis d’une nature observatrice et d’action : deux pôles qui cohabitent, se confrontent, et créent un tempérament à la fois doux et tendu. J’essaie de faire transparaître cette dualité dans mes pièces : il y a un temps d’observation, d’écoute, puis vient le temps de l’action, déclenchée par une sensation de justesse ou un élan instinctif.

Depuis toujours, l’animalité est un thème central dans mon travail, déjà présent sur scène. Je l’aborde sous un angle naïf, celui de l’innocence : une présence épurée de toute intention, autre que celle de demeurer. Comme lorsqu’un loup entre dans une clairière, et que vos oreilles de lièvre se dressent avant même que son odeur ne vous atteigne.

L’approche de l’émail est plus construite, plus méthodique. Je passe par des phases de recherche large : création de recettes, récolte de terres, lectures, tests sur tessons, prise de notes... Puis je réduis peu à peu ce champ d’exploration pour composer une palette évolutive. Certains projets demandent la création de recettes sur mesure, que je conserve ensuite et que j’intègre à une gamme cohérente d’objets.

Je suis encore en phase d’apprentissage. Ma démarche est en constante évolution. Je doute beaucoup, notamment parce que le travail des engobes me plaît tout autant. Il m’appelle aussi à expérimenter, à tester.
J’alterne donc pour l’instant entre ces deux univers, sans avoir encore tranché, et je laisse à la matière et au temps le soin de m’indiquer la suite.